Une autre vision du bonheur

Texte coquin écrit dans le cadre d’un groupe tourné vers l’érotisme.
Gardez bien cette idée à l’esprit 😉 

Une autre vision du bonheur

Je suis impatiente.

J’attends cet instant depuis des jours.

Elle est là derrière cette porte que j’hésite à pousser malgré mon cœur battant, mes mains moites d’excitation.

Elle est arrivée, encadrée par deux hommes robustes dont les mines patibulaires étaient dignes d’un roman d’espionnage. Sans un mot, ils l’ont enfermée malgré sa fougue pour se libérer de leur emprise.

Damien m’a sévèrement mise en garde. Il m’a interdit de l’approcher comme s’il voulait la garder pour lui, m’empêcher de la voir en prétextant sa nervosité, sa colère peut-être.

Il serait plausible qu’elle le soit après avoir été déracinée, transportée sans douceur à l’autre bout du pays dans ce lieu inconnu dont elle ne maitrise rien.

Depuis une demi-heure, je l’écoute.

Son silence s’est fait lourd après les appels désespérés des premières minutes.

Elle ne bouge plus, attend que l’un de nous revienne vers elle, la rassure ou la réconforte sur le nouveau monde où elle a été plongée brutalement malgré elle.

Un coup d’œil autour de moi me conforte à agir. Damien est occupé ailleurs et ne peut découvrir ma désobéissance. Mon impatience grimpe dans mes veines, la sueur coule dans mon dos.

Je n’ai pas le droit, mais c’est plus fort que moi.

Je veux la voir.

Tous en parlent comme d’une reine, une icône si exceptionnelle qu’elle ne peut être égalée.

J’abaisse le loquet de la porte avec lenteur, mon souffle bloqué dans ma poitrine oppressée par le stress de cette rencontre.

Le lourd battant glisse sans bruit, ouvre l’espace et fige le temps.

Elle se trouve là, splendide de beauté, irréelle dans sa robe noire de jais, son regard d’ambre fixé sur moi. Solidement campée, elle ne bouge pas, les longues jambes fuselées arrimées au sol dans une attitude de défi et de peur mêlée.

Ses yeux expriment mieux que des mots son désarroi, sa frayeur de l’inconnu et puis cette flamme de sauvagerie qui pourrait exploser à tout moment.

J’approche d’un pas silencieux. J’évite de faire le moindre bruit pour ne pas les alerter.

Si Damien me surprend, il me punira, je le sais. Il est le maître et ne supporte pas qu’on lui désobéisse. Je mesure le risque que je prends, mais mon excitation se révèle si forte qu’elle m’entraine à enfreindre toutes les lois érigées par le seigneur des lieux.

Je referme la porte lentement pour nous isoler, nous abriter des regards espions ou curieux.

Les mots sont inutiles entre nous. Je le sens.

Elle me fixe de ses grands yeux d’ambres, ne bronche pas, attend le moment opportun soit pour se jeter sur moi, soit pour se laisser convaincre.

Un autre pas. Elle tressaillit, sa peau se couvre d’un frisson visible, ses muscles se tendent sous sa robe noire.

Un geste déplacé, un mot malvenu et le faible lien qui nous connecte par le regard sera rompu.

Je l’observe, admire sans condition ce qu’elle est, comprends son pouvoir sur les hommes.

Jamais plus belle n’a été aussi majestueuse.

Un autre pas nous attache dans le silence de cet espace vibrant de nos émotions.

Mon cœur bat, ma peau se charge de chair de poule, mes mains tremblent de vouloir la caresser, la découvrir, la cajoler. Elle est si magnifique !

Son souffle s’alourdit de sa méfiance. Elle ne me quitte pas des yeux, la poitrine frémissante de frayeur ou de curiosité. Elle ne bronche pas, attend à nouveau que je me décide à franchir le dernier mètre qui nous sépare.

C’est fort, puissant, enivrant d’excitation.

Aucune ne m’a procuré ce sentiment étrange que nous sommes en phase, que nous nous comprenons en silence, que le geste de l’une est l’écho de l’émotion de l’autre.

J’approche la main, doucement, centimètre par centimètre, pose un doigt fébrile sur sa peau frémissante. Ce premier contact est une pure merveille. Elle se fige sur place, immobile comme une statue d’ébène, fièrement dressée, majestueusement souveraine, inégalable.

Je n’ai plus de souffle, ni de cœur tant il s’affole lorsque mes doigts tremblent sur sa robe, captent le murmure de ses muscles tendus, savourent le sourd battement de son sang dans ses veines proéminentes.

Je ferme les yeux pour me délecter de cet instant magique. Elle ne bouge pas, attend, consciente que je deviens sa délivrance. Ou qu’elle crée la mienne.

J’imagine en une seconde la chaleur de sa peau entre mes cuisses, la douceur de ce mouvement de bascule qu’elle imprimera à son corps pour que nous ne soyons qu’une.

J’imagine la puissance de sa fougue à me transporter dans un monde inconnu où seule la liberté sera notre but.

J’imagine la force de notre amour fait de soumission et d’obéissance, de révolte et de conflit, de bonheur.

J’imagine nos embrassades tendres, nos caresses ardentes, tout ce qui transformera un instant banal en paradis.

Ces muscles tressautent sous mes doigts comme si elle ressentait les visions qui traversent mon esprit, mon corps répond à ses tremblements, mon ventre se charge d’une émotion incommensurable.

Nous sommes liées à jamais.

Elle sera mon amour. Elle sera ma vie. Elle sera à moi comme je serais à elle pour l’éternité.

Plus rien ni personne ne pourra nous séparer.

D’un pas, elle vient se lover contre moi, pose sa tête sur mon épaule, soupire d’une plainte de délivrance. Notre lien se renforce de seconde en seconde.

Nous sommes une et indivisible.

Qui est-elle pour que je sois si heureuse ? Quel est son secret ?

Elle est mon nouveau monde. Elle est une autre vision du bonheur.

— Que fais-tu là ?

La voix de Damien nous surprend.

Aicha recule, se campe sur ses jambes, le fixe avec férocité, prête à se défendre, à nous protéger.

Il nous observe intensément. Dans son regard attentif et sévère, la satisfaction remplace la colère.

— Je savais que tu l’apprivoiserais. Ce sera notre meilleure bête. Prends-en soin. Elle est à toi.

— Non, elle n’est à personne, dis-je en posant la main sur le poitrail frémissant de la plus belle jument arabe de la terre.

J’ai douze ans et je reçois un cadeau inestimable.

Un vent de liberté.

Un bonheur inexprimable.

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